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L’écume des jours : entre richesse…

Michel Gondry est de retour, pour adapter à l’écran un chef d’oeuvre de la littérature française : L’Écume des jours.

L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.

Une histoire vraie puisqu’imaginée

Difficile de parler de L’Écume des jours sans s’intéresser tout d’abord à son auteur : Boris Vian. Adepte de l’absurde, de la fête et jeu, cet écrivain cachait de multiples talents. Dessinateur, inventeur mais aussi ingénieur, cet artiste dans l’âme était tout particulièrement intéressé par le jazz. En regardant de plus près, on s’aperçoit très vite que L’Écume des jours est en réalité une oeuvre totalement imprégnée du vécu de son auteur et de sa personnalité. Imaginatif et rêveur, il aime les jeux de mots, les contrepétries et autres calembours. Un art qu’il s’amuse à manier pour retranscrire à sa manière l’absurdité de la réalité.

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Issu d’une famille fortunée, celui-ci vit dans l’insouciance durant sa jeunesse. Tout comme le jeune Colin, il n’a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Il préfère s’adonner à ses passions que sont la littérature et le jazz, et plus particulièrement la musique de son idole : Duke Ellington. L’Écume des jours est ainsi imprégné de cette musique et de son ambiance singulière. Chloé est d’ailleurs le nom d’un arrangement de Duke Ellington. La première partie de l’oeuvre baigne dans ce bonheur naïf, dans l’insouciance d’une jeunesse sans problèmes.

Mais derrière ce conte à première vue très heureux, le danger rôde, celui de la maladie et de la mort. Tout comme Chloé, Boris Vian souffrait d’une santé fragile et mourut d’ailleurs assez jeune. Lui qui avait vécu dans la richesse, voit son univers rétrécir au fil de sa vie. Un parcours qu’il retrace dans l’histoire de Colin et Chloé dont la fortune disparaît progressivement jusqu’à s’épuiser entièrement.

Du texte à l’image

Que le livre nous touche par son charme ou nous agace, difficile de rester indifférent face aux inventions verbales et à la sensibilité poétique de l’auteur. Près de soixante ans après sa parution, L’Écume des jours s’affirme comme un roman déroutant et étonnant qui paraît a priori inadaptable au cinéma. Pourtant ce n’est pas la première fois que ce livre est porté à l’écran. En 1968, Charles Belmont avait déjà adapté L’Écume des jours dans un tout autre style.

Lorsque le producteur et scénariste Luc Bossi a décidé de se lancer dans une nouvelle adaptation du roman, c’est tout naturellement qu’il a songé à confier la réalisation à Michel Gondry. Considéré comme le Wes Anderson français, il possède un style particulier qui correspond à l’originalité de Boris Vian. Alors qu’il réalisait encore des clips, ce dernier était d’ailleurs déjà inspiré par son univers poétique. Sa sensibilité artistique et son goût pour les inventions visuelles laissaient présager un film hors du commun.

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Pour respecter l’oeuvre de Boris Vian, déjà très inventive, Michel Gondry a choisi de rester fidèle au livre. Dès la scène d’introduction, on sent sa volonté de mettre en avant l’oeuvre littéraire : dans une immense salle, des dizaines de dactylos alignés en rangs, tapent ensemble L’Écume des jours sur les machines à écrire qui défilent devant eux. On y retrouve pourtant la patte artisanale propre au réalisateur. Michel Gondry nous plonge ici dans l’univers retro-futuriste d’un Paris intemporel. Avec un style parfois proche de l’animation, il parvient à donner vie aux métaphores verbales de l’auteur.

Ni rires, ni larmes

En voulant adapter ce roman culte de Boris Vian, Michel Gondry s’est risqué à décevoir les spectateurs. Lui qui apparaissait être le réalisateur le plus approprié pour adapter ce livre à l’écran, a pourtant en partie échoué dans ce travail de reconstitution. À chaque scène, pour ne pas dire à chaque plan, Michel Gondry nous étourdit avec des inventions loufoques et amusantes qui finissent par être lassantes. Ce qui aurait du se limiter à servir de décor devient encombrant visuellement. Créateur de génie, Michel Gondry n’a pourtant pas su faire naître ici l’émotion.

L’Ecume des jours s’apparente finalement plus à La science des rêves qu’à l’excellent Eternal Sunshine. On retrouve dans ce film davantage d’idées visuelles que d’émotions. Les joies et les événements tragiques se déroulent sous nos yeux sans pour autant toucher le spectateur. Les acteurs ne suscitent pas non plus l’empathie. Certains peinent à s’incarner, restant enfermés dans leurs précédents rôles. Audrey Tautou ne dégage pas la douce fragilité de Chloé et Romain Duris tend à surjouer la naïveté de Colin. Ce n’est qu’au moment où Chloé tombe gravement malade et que les couleurs commencent à se faner que l’émotion finit par éclore, peut-être un peu trop tard pour véritablement nous émouvoir.

La note de CinemasLeClub.fr : ★★☆☆☆

L’adaptation que nous offre Michel Gondry s’adresse malheureusement plus à notre sensibilité visuelle qu’émotionnelle. Un film à voir tout de même, ne serait-ce que pour le plaisir de voir les métaphores verbales de Boris Vian prendre vie à l’écran.

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