Oscillant entre objet cinématographique expérimental et œuvre d’art, Under The Skin est un film extra-ordinaire, franchissant les frontières de la norme pour interroger le monstrueux.
Connu pour avoir réalisé les clips de grands noms de la musique tels que Massive Attack, Radiohead, Blur ou encore Jamiroquai, Jonathan Glazer avait déjà fait sensation au cinéma avec Birth, un film ayant bousculé nombre de repères dans le monde du septième art. Dix ans plus tard, le réalisateur frappe à nouveau un grand coup avec Under The Skin.
Si Scarlett Johansson joue ici le rôle d’une extraterrestre descendue sur terre sous la forme d’une sublime jeune femme afin d’attirer les hommes dans ses filets, le film est en lui-même un véritable ovni. Long-métrage singulier, aussi fascinant que dérangeant, Under The Skin questionne par son inquiétante étrangeté la notion même de normalité.
Conduisant le spectateur vers un gouffre déstabilisant à l’aide d’une musique alternant silences et sons angoissants, de plans ne se situant dans aucun cadre spatio-temporel défini, d’une Scarlett Johansson formant à elle seule une véritable métaphore de la dévoration, le long-métrage de Jonathan Glazer est une expérience sensorielle totale.
Du tremblement de peur au frisson de plaisir, les personnages d’Under The Skin ne peuvent échapper à la chair de poule. Par l’omniprésence d’une peau sans cesse dévoilée, dénudée voire déformée et dont l’importance est d’emblée annoncée par le titre du film, le réalisateur nous invite à nous interroger sur ce qui se trouve au-delà d’elle. En cela, Scarlett Johansson, dont le jeu est admirable en tous points, est irremplaçable dans ce rôle : sa sublime plastique est un véritable masque de chair, la cachant aux autres et l’empêchant de se connaître elle-même.
En mêlant au film des images tournées en caméra cachée, qui ont obligé l’actrice à improviser une grande partie des scènes où elle se trouve en présence d’autres personnes, le réalisateur semble nous proposer une recherche expérimentale sur le genre humain. Dans la même lignée que Stanley Kubrick, David Lynch et Darren Aronofsky avant lui – vis-à-vis desquels Under The Skin multiplie les références – Jonathan Glazer nous plonge dans un univers de violence psychologique intense mais presque invisible. Vertige dans lequel il convient tout à la fois de s’accrocher et de se laisser porter, Under The Skin ne laisse pas indemne et s’ancre en nous. Sous notre peau.