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Noé

Niché quelque part entre un délire de prêcheur, alliant théorie créationniste à tendance intelligent design (soit ceux qui acceptent en partie la théorie de Darwin), vérités scientifiques et relecture personnelle, Darren Aronofsky nous livre avec son Noé un pêle-mêle fantaisiste du texte de la Genèse et ça pique un peu les yeux.

Porté par un appel (divin?), Darren Aronofsky qui s’intéresse depuis son plus jeune âge à l’histoire de Noé, vient au secours de la planète et signe ici un projet de longue date. La plupart des versions du mythe jusqu’alors présentées au cinéma n’étaient que parodies, comédies ou animations, un manquement grave ainsi comblé par ce spectaculaire Noé, à la hauteur de la frénésie du réalisateur, Créateur peu censé à son tour.

Et avec près de 130 millions de dollars de budget pour ce film, Darren Aronofsky avait de quoi se prendre pour Dieu, l’appui des effets spéciaux en plus. Ne lésinant pas sur les moyens Noé dépeint sans compter les hallucinations et l’asservissement de son personnage. Une démesure qui va de paire avec la décision de construire une véritable Arche pour l’occasion, une réplique en dur et grandeur nature du vaisseau pour éviter d’avoir recours sur cet élément aux images de synthèse.

Revenons tant soit peu sur l’histoire de Noé (Russell Crowe), père de famille aimant, pieux solitaire refusant le contact avec les hommes mauvais mais aussi confident à ses heures du grand Créateur, se retrouve à la tête d’une mission sauvetage. Le voilà choisi par Dieu pour construire une Arche qui permettra la survie au Déluge d’un couple d’animaux de chaque espèce. Une inondation programmée et censée noyer la masse impure pour mieux recommencer de zéro.

Au cœur de cette fresque épique au manichéisme agaçant et aux dialogues avortés, la bonne idée du film a été d’évincer la destinée au profit d’un vrai drame familial. Un revirement qui sauve in extremis Noé du naufrage tant sa perdition était grande. Car outre la performance visuelle saluée, qui lorgne tout de même parfois vers le grotesque, Noé pêche par son manque de résonance contemporaine et son indécision perpétuelle quant au genre à adopter, parfois plus guerrier et tirant davantage vers la Terre du Milieu qu’en territoire divin.

Et si Darren Aronofsky est libre de modifier à sa guise cette légende, il aurait été bien plus libre en se détachant avant coup du poids de ce pharaonique projet. Une curieuse et monstre ambition sans grand intérêt, dont les esclaffes entendues dans la salle n’ont fait que confirmer l’absurdité. Noé fâche bien plus qu’il ne divertit, la faute à son insistante morale et à sa subtilité stérile. Les acteurs ont pourtant bien essayé de sauver le navire, un comble d’ailleurs que la meilleure prestation d’Emma Watson se retrouve coincée dans un film finalement si peu enthousiasmant.