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Le dernier pub avant la fin du monde VS Une place sur la Terre

Combat de loosers en salles cette semaine avec ces deux films aux antipodes qui, pourtant, relatent amèrement des mêmes préoccupations. Tous deux auraient fait d’excellents remake de Dépression et des potes, à savoir faire germer des personnages plombants en chemin vers de jours meilleurs. Verdict.

Humour british VS Déprime à la française

Quand l’un joue la déconne, l’autre s’arme d’une retenue à toute épreuve, mais nos deux films s’accordent sur un point, la sobriété n’est décidément pas l’adage de leurs personnages principaux.

Le dernier pub avant la fin du monde dévoile sans pudeur et en son titre, son ambition première, à savoir s’en jeter une dernière pour la route. Générique de fin à la trilogie Cornetto (ou la « Blood And Ice Cream Trilogy »), le film se révèle un peu comme un improbable verset final ou l’apocalypse selon saint Edgar Wright. Un saint s’offrant la joie de communier une dernière fois avec ses fidèles apôtres Simon Pegg et Nick Frost. Une fine équipe consolidée au gré d’une aventure à la quête atypique : se moquer et exploser de l’intérieur les divers genres cinématographiques traités.

Initiée par Shaun Of The Dead, moquerie assumée des films de zombies et d’épouvante, puis suivi de Hot Fuzz, attaque visant dans son collimateur les films d’actions et autres blockbusters policiers, ce nouveau film ne déroge pas à la règle. Le dernier pub avant la fin du monde (The World’s End en version originale) s’amuse franchement des buddy-movies et des films de genre science-fiction. Relatant l’histoire de potes, aujourd’hui quadras, missionnés d’achever un infernal barathon entamé à leur adolescence dans la petite ville de Newton Haven. Cette tournée épique des pubs va donner lieu à une succession de gags et de vannes en tous genres, Edgar Wright compose brillamment et en toute hilarité avec son second degré natal.

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Changement de décor, avec la réalisatrice Fabienne Godet, habituée du travail documentaire et amoureuse des images silencieuses. Avec ce nouveau travail de fiction, elle s’élance aux côtés de l’acteur Benoît Poelvoorde dans une entreprise sur fond de crise. L’acteur comme prédestiné pour ce rôle, jouera Antoine, un photographe désabusé, à qui l’on ôte les mots pour lui élargir le regard, un petit miracle de direction pour cette réalisatrice qui a su rendre sa beauté et son calme à un acteur en proie aux sursauts.

Contrairement au film d’Edgar Wright, Une place sur la Terre n’est ni hystérique, ni le genre de film où l’hyper devient préfixe à tout va. Loin d’être relaxant pour autant, Une place sur la Terre s’exécute nerveusement dans une trame retenue, où les dialogues sont superflus et le récit sans but précis. Une structure à l’image du personnage d’Antoine, qui sans curiosité n’aurait pas survécu si longtemps à ce monde et sans cette nonchalante tristesse qui se dégage de son visage, ne nous aurait pas fait survivre à l’histoire.

Mick Jagger VS Chopin

L’opposition du rock’n’roll et du classique, chacun ses goûts, chacun ses manières. Entre petits remaniements et crise existentielle, l’animation est de mise, la critique sociale bat les voiles et nos deux films partent en guerre.

Une chope de bière à la main et l’amitié perdue retrouve toute sa fougue d’antan. Meneur de la bande sur les bancs du lycée, Gary King (alias Simon Pegg) n’a, depuis le temps, pas bougé d’un iota. Le chef de file semble comme échoué d’un voyage dans le temps. Mêmes fringues et mêmes doctrines ringardes, de quoi attiser la pitié de ses anciens camarades aux vies bien rangées et les convaincre de le suivre. Anticonformiste à la nostalgie pathologique, sans job, sans attache mais avec une ribambelle d’addictions, notre King, quelque peu has-been, mène sa joyeuse équipe de quadras avec œillères et satisfaction.

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De retour au bercail, plus rien n’est comme avant. L’attitude a perdu de son insolence mais au fil du parcours les esprits finissent tout de même par s’embuer. L’attaque des vilains robots va ainsi débuter, ils vont devoir affronter l’avenir et lutter pour garder vivante une part de leur passé. Il faut donc à présent sauver le monde de cette menace. Ce petit monde qu’est leur bande d’enfance et cette menace que sont les années qui défilent ou le conformisme. Edgar Wright attaque juste et offre à ses joyeux lurons une belle porte de sortie. Une retraite pleine d’humour, de potes et de bières.

Moins exubérant et plus exigeant, Une place sur la Terre se pose en spectateur passif d’une belle rencontre. Comme planant au dessus de ce monde, Antoine se nourrit du malheur des autres, gravite, observe, cause peu mais toujours avec cynisme. Oui mais voilà, sa petite routine va se briser lorsqu’il va faire la connaissance de sa voisine, Elena. Une jeune et mystérieuse pianiste, à l’air grave mais au visage angélique, philanthrope et idéaliste, dotée d’une sensibilité qui ne va cesser de la mettre en danger. L’attraction est évidente, ces deux là étaient destinés à former ce duo, ce couple platonique dont la seule sincérité d’une amitié profonde assure leur confort.

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Une place sur la Terre a peut-être enfin permis à Antoine, le morose, de trouver sa juste place sur cette Terre. Ce quadra paumé, côtoyant alcool et dépression comme l’on côtoie sa boulangère, cet absolutiste sans concession quant à ses désirs, s’est aujourd’hui ranimé après des années de veille. Leur histoire va ainsi les sauver, les extraire de leur cocon, les conforter dans leur choix et leur montrer leur vraie nature. Celle de deux hyper-sensibles sans qui toute forme de romantisme pur serait éteinte depuis des lustres. Une honnête tranche de vie confortée par l’utilisation d’une esthétique aux couleurs franches et contrastante avec le travail photographique en noir et blanc d’Antoine.

Le dernier pub avant la fin du monde et Une place sur la Terre se révèlent deux épopées chevaleresques, des récits mettant en lumière des hommes au bord du gouffre, des films qui modifient et clôturent des trajectoires. Leur propagande pour une amitié responsable séduit et vaut assurément le coup d’œil.