C’est avec un Stetson vissé sur la tête et à grands coups de blagues homophobes, que le réalisateur Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y) brosse sans détours, le portrait d’une Amérique des eighties, à la fois malade et ignorante.
Le réalisateur canadien a été bien inspiré en décidant de retracer cette tranche de vie, l’histoire vraie du cow-boy Ron Woodroof (magistralement interprété par Matthew McConaughey), dur à cuire hétérosexuel et texan, diagnostiqué séropositif suite à un banal contrôle sanguin. Les médecins lui donneront alors 30 jours de sursis, une épée de Damoclès lourde à assumer pour celui qui jusqu’alors considérait le Sida comme un mal touchant exclusivement les homosexuels.
Il en fallait du courage pour ne pas s’avouer vaincu d’avance et Jean-Marc Vallée, sidéré de voir qu’aujourd’hui en France on peut encore manifester pour refuser des droits à des personnes sous couverts d’une sexualité différente de la ‘norme’, n’a pas baissé les bras face à l’ampleur de la tâche. Car Dallas Buyers Club n’est pas simplement l’histoire d’un terreux arriéré fana de rodéo, le film, même s’il cause intelligemment à la première personne, rend mémoire aux activistes gays de l’époque qui ont participé grandement à l’information, la prévention, l’évolution des mentalités et à l’accès aux traitements pour les malades du Sida.
Dallas Buyers Club retrace sans aucune mièvrerie la lutte solitaire de Ron Woodroof pour sa survie et son business. Un combat éreintant et quotidien, détruisant sur sa route quelques préjugés mais se bagarrant avant tout contre la politique de l’époque. Dans sa bataille illégale, Ron Woodroof a gagné des années mais n’est pas vraiment devenu meilleur, pour autant certaines rencontres auront toutefois réussi à percer ses œillères. À l’instar de Rayon (Jared Leto, bluffant en travesti junkie), séropositif également et premier associé du fameux buyer’s club (spécialisé donc dans la vente de traitements alternatifs aux malades, non autorisés par la FDA), puis Eve (Jennifer Garner) docteur rebelle et confidente.
Dallas Buyers Club n’enjolive en rien les traits de ses personnages pour les rendre émouvants, se contentant de miser avec confiance sur les prestations de ses acteurs. Se détachant alors du traitement hollywoodien appliqué d’usage à ce genre de sujet, Jean-Marc Vallée prend des risques que son duo phare, Matthew McConaughey et Jared Leto (deux transformations physiques remarquables), s’acharne à rendre minimes. Dallas Buyers Club laisse le pathos au vestiaire et dresse le portrait utile de cet antihéros condamné mais déterminé, dont les santiags crasseuses risquent forts de salir, on l’espère, la scène des prochains Oscars.